Innovation en tourisme responsable et durable et entreprises à impact
Article rédigé par Nathalie Schneider dans le cadre du Parcours DD en tourisme, une initiative pilotée par l’Alliance et rendue possible grâce à la collaboration et au financement du ministère du Tourisme.
L’ATR : Tourisme Lanaudière
L’Association touristique de Lanaudière innove avec une borne d’information touristique d’un nouveau genre, offrant aux visiteurs l’option d’être assistés, dans leurs recherches, par un agent à distance.
Une borne d’information touristique interactive et accessible 24/7 toute l’année : c’est le nouvel outil offert aux visiteurs dans le Vieux-Terrebonne, mis en place grâce à un partenariat entre Tourisme Lanaudière et la MRC des Moulins, et au financement du ministère du Tourisme via le programme d’innovation touristique. Installée depuis la fermeture saisonnière du bureau d’information en septembre dernier, cette borne comprend un écran tactile et une interface conviviale permettant d’informer les visiteurs sur l’offre touristique du Vieux-Terrebonne et, plus largement, sur celle de la région.
« Cet outil permet de repenser l’information touristique en la rapprochant du visiteur, explique Denis Brochu, directeur général de Tourisme Lanaudière. Et la valeur ajoutée, c’est de personnaliser l’expérience vécue grâce à des marqueurs territoriaux qui géolocalisent tout ce qui se trouve à proximité de l’utilisateur : hébergements, restaurants, attraits culturels, activités de plein air, etc. »
Photo: Jennifer Martin
Signée Humanity Tech, une entreprise en recherche et développement de Terrebonne, cette borne, aux fonctionnalités multiples, est une première du genre au Québec : les recherches effectuées par les visiteurs permettent d’établir des statistiques qui nourrissent en continu les informations dispensées par la borne. « Si besoin, les utilisateurs peuvent se connecter et parler directement à un agent à distance afin de raffiner leurs recherches, dit Denis Brochu. Aussi, on peut se composer un circuit avec des favoris côté attraits touristiques, puis on scanne le tout et on peut partir avec ce circuit personnalisé sur son téléphone. »
Cet outil innovant est aussi une stratégie pour mettre en valeur les entreprises locales, autant touristiques que culturelles, stratégie développée grâce à une concertation avec le milieu.
Cette année, quatre ou cinq nouvelles bornes devraient être installées ailleurs dans des lieux stratégiques de la région, à l’intérieur ou à l’extérieur, précise Tourisme Lanaudière. Qui sait si cette première ne pourrait pas inspirer d’autres région à emboiter le pas ?
Le partenaire : MT Lab
Cet incubateur suscite l’innovation et facilite la collaboration en mettant en relation des entreprises touristiques et des partenaires débordant d’idées.
Premier accélérateur d’opportunités en tourisme, en culture et en divertissement en Amérique du Nord, le MT Lab a été créé en 2017 par Tourisme Montréal et l’Université du Québec à Montréal (UAQM), la plus grande école en tourisme du Québec. Son objectif : faire entrer l’innovation dans le secteur du tourisme en rapprochant deux écosystèmes qui ne se rencontrent pas naturellement : des entrepreneurs qui font de l’innovation et des acteurs du tourisme qui en recherchent – ATR, ATS, organismes, parcs, musées, municipalités, etc.
« On mutualise un service d’incubation par l‘innovation, résume Martin Lessard, directeur général du MT Lab. On est là pour valider une idée et voir si elle a sa place sur le marché. Le MT Lab est à la frontière entre incubation et accélération. » Le répertoire de solutions innovantes compte à ce jour environ 300 start-ups de produits ou services et résulte d’une initiative financée par le ministère du Tourisme via le programme d’innovation touristique.
Ce programme vise à soutenir les entreprises de l’industrie touristique en matière d’innovation par l’élaboration de solutions concrètes pour améliorer leur productivité, leur compétitivité ou leur efficacité, contrer la pénurie de main-d’œuvre, favoriser leur virage numérique et, enfin, réduire l’empreinte environnementale des activités touristiques.
Dans le cadre de ses actions, le MT Lab favorise le principe du « pitch inversé » : un professionnel en tourisme indique ses besoins particuliers, comme la nécessité d’établir une connexion numérique en région éloignée, par exemple, et le MT Lab sollicite ses partenaires d’affaires pour proposer des solutions viables. « L’idée est de répondre à un besoin, insiste Martin Lessard. L’innovation permet d’amener le projet à un autre niveau et de le rendre concurrentiel grâce à l’intelligence collective des partenaires et des professionnels du tourisme. »
Photo: Navette Nature
Mais qu’est-ce que l’innovation ? « J’ai une définition très pragmatique, dit Martin Lessard. C’est quelque chose de nouveau dans un cadre et un temps déterminé. » Celui-ci distingue le « rattrapage » qui consiste à consolider les opérations d’une entreprise avec des outils existants, et la véritable innovation qui en crée de nouveaux.
Le MT Lab a conclu un partenariat avec l’Institut du tourisme et de l’hôtellerie du Québec (ITHQ) en 2022 afin de développer un service d’accompagnement numérique à l’attention des professionnels de la restauration. Un exemple d’entreprise ayant profité de ce programme : Arrivage, une start-up numérique qui propose une plateforme B2B (Business-to-Business) pour gérer les commandes des restaurateurs, des épiceries et des écoles directement avec les producteurs et agriculteurs, sur le principe du circuit court. Ce projet est soutenu par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE).
« L’innovation numérique ne vaut que si des humains y croient, comme à l’ITHQ », insiste Martin Lessard. Car il faut distinguer trois niveaux d’entreprises innovantes : les high tech, les low tech et les no tech. » Dans le cas de ces dernières, l’innovation n’est pas numérique mais s’attache à l’humain. C’est le cas de Navette Nature, un service de transport collectif qui amène les touristes depuis le centre-ville de Montréal ou de Québec jusqu’à certains parcs nationaux et régionaux. Cette entreprise existait déjà, mais grâce au partenariat avec le MT Lab, notamment dans le cadre du Programme Croissance, elle a pu par exemple consolider ses liens d’affaires avec la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ).
Pierre Bellerose et le MT Lab ont créé un groupe de travail, IA + Tourisme, constitué d’acteurs de l’industrie, qui se sont donné pour mission de propager en région la compréhension des innovations numériques, comme ChatGPT, sur le principe d’une découverte commune et synergique. L’objectif de ce groupe de travail est d’analyser les défis soulevés par le déploiement de l’intelligence artificielle et d’identifier des pistes pour amener l’industrie du tourisme à s’en saisir.
Cette année, un suivi devrait être organisé pour voir comment l’intelligence artificielle pourrait concrètement soutenir l’industrie sectorielle en région. Grâce au financement octroyé par le ministère du Tourisme dans le cadre du programme d’innovation touristique, une tournée de huit régions été organisée par le MT Lab et le groupe de travail IA + Tourisme. Cette tournée visait à accroître la compréhension des acteurs de l’industrie à l’égard de l’intelligence artificielle (IA) et explorer avec eux les opportunités offertes par l’IA.
L’entreprise : Hôtel UNIQ
Il n’existait pas, il fallait l’inventer. Grâce à son modèle d’affaires unique, cet établissement hôtelier écoresponsable et expérientiel a trouvé sa niche en diversifiant son offre.
Innovant, cet établissement d’hébergement insolite éphémère, créé en 2020, l’est à plus d’un titre puisqu’il défend un modèle d’affaires à la fois multiple et unique. Multiple car il propose trois formules distinctes à ses clients : sur le principe du Business-to-Business, Hôtel UNIQ met à disposition d’organisateurs de rassemblement des tentes de luxe et des infrastructures éphémères et nomades pour accueillir des festivals de vanlife, comme Go-Van ou El Campo, et d’autres évènements ponctuels privés. Ce produit d’hébergement écoresponsable et expérientiel se déplace notamment dans des régions moins connues pour leur apporter davantage d’attractivité et pour répondre à l’enjeu du manque de chambres locatives dans ces régions. Une bourse d’un montant de 100 000 dollars a d’ailleurs été attribuée à l’entreprise en janvier 2022 pour souligner son caractère innovant.
Hôtel UNIQ propose aussi des villages bien-être en partenariat avec certaines municipalités moyennant un partage des revenus générés par ces infrastructures hotellières. Le service inclut le transport et l’installation des hébergements, ainsi que le service de location des chambres sur demande.
Enfin, le modèle d’affaire comprend des franchises conclues avec des entreprises privées, comme Forêt Ô Cascades, une entreprise écotouristique de Lanaudière. Là, les unités de glamping, incluant des blocs sanitaires, sont intégrées au milieu naturel avec rivière et sentiers pédestres à proximité. Frais, opérations et responsabilités opérationnelles sont répartis entre Hôtel UNIQ et son partenaire d’affaires, sur le principe de la mutualisation des ressources – investissement des matériaux, gestion des équipes, service client, outils numériques, transfert de savoir-faire, etc. Cette stratégie permet de faire face aux défis d’aujourd’hui, notamment la pénurie de main d’œuvre et la récession économique grâce à la mise en commun des ressources humaines et financières.
Photo: Mélissa Lacoste
L’innovation est au centre de cette entreprise. Mieux, elle soutient sa mission tout entière et ses opérations fondées sur une vision englobante du tourisme. « Ce modèle d’affaires innovant permettrait à plusieurs entreprises de plein air du Québec d’allier leurs forces pour faire grandir des marques québécoises qui affronteront plus facilement la compétitivité internationale, qui attireront des touristes étrangers et amélioreront, finalement, la notoriété de la destination du Québec », est-il mentionné dans la présentation du projet. À long terme, son ambition est de devenir un modèle d’inspiration à travers l’Amérique du Nord.
« L’approche en développement durable est présente depuis le tout début du projet, soutient Myriam Corbeil, fondatrice d’Hôtel UNIQ. Nos infrastructures sont légères, peu énergivores, notamment grâce à des batteries rechargeables d’une autonomie d’une semaine. De plus, nous appliquons les principes du sans trace et la saine gestion des matières résiduelles. » L’entreprise favorise également les transports durables, notamment collectifs.
L’innovation réside aussi dans son ancrage au sein des communautés d’accueil, qui reflète une approche inclusive et respectueuse des résidents. Visiteurs et locaux sont invités à se rassembler autour d’un foyer pour échanger et planifier des activités touristiques : cueillette de champignons, visites d’attraits culturels et séances de yoga.
« Nous ne sommes pas un village vacances, mais un village communautaire, insiste Myriam Corbeil. Il n’y a pas de conflit d’usage du territoire. » Les résidents locaux deviennent de véritables ambassadeurs de leur région et donnent une valeur ajoutée à l’expérience vécue, en plaçant l’humain au centre de ses opérations.
Selon Myriam Corbeil, ces unités de glamping, inspirées des peuples nomades, proposent une expérience de bien-être physique et psychologique en relation étroite avec la nature et avec les communautés d’accueil.
À l’international : OHRIZON
On réinvente la visite d’un musée ou d’un site touristique grâce à une application révolutionnaire : suivez le guide !
Ce studio 3D, né en France, propose des expériences immersives pour enrichir l’offre de sites touristiques, comme des musées, des bâtiments patrimoniaux et d’autres lieux culturels. Grâce à des applications en réalité augmentée et des audioguides multimédias, OHRIZON permet à un large public d’accéder à des expériences immersives et interactives qui propulsent une simple visite vers une dimension bien supérieure. Preuve que cette innovation technologique est applicable à plusieurs domaines : ce studio offre aussi un service pour enrichir et dynamiser les formations de groupe.
« Cette innovation technologique s’est développée en France en collaboration avec des scénaristes et des dialoguistes, grâce à des projets qui s’adressent aux touristes mais aussi aux groupes scolaires », précise Lionel Guillaume, co-fondateur d’OHRIZON, qui a aussi créé une antenne à Montréal. Cette entreprise a bénéficié également du programme croissance, une initiative du programme d’Innovation touristique.
L’un des projets québécois ayant bénéficié de cette technologie inédite : le Moulin à laine d’Ulverton, à la fois musée patrimonial et site touristique, qui retrace l’histoire industrielle de la région du Val-Saint-François, dans les Cantons-de-l’Est.
Photo: Moulin à laine d'Ulverton
Grâce à un partenariat avec OHRIZON et au financement du ministère du Tourisme via le programme d’innovation touristique, le musée propose une expérience interactive en réalité augmentée, Avant de perdre le fil. Cette visite déambulatoire auto-guidée rend hommage à l’héritage technologique de la moitié du XIXe siècle, quand des immigrants du Maine sont venus, dans la région, implanter un savoir-faire sur la production et la transformation de la laine.
Après avoir téléchargé l’application d’OHRIZON sur sa tablette (ou celle du musée), le visiteur peut découvrir des personnages animés et vivre une expérience à la fois éducative et ludique. « Grâce à cette appli, la tablette est géolocalisée pour fonctionner sur les trois étages du musée et pour s’ajuster à la luminosité des différents espaces, explique Julie-Ann Logan, directrice générale du Moulin à laine d’Ulverton. Le visiteur explore les salles avec sa tablette, où se superposent six personnages animés qu’il peut entendre parler grâce à ses écouteurs. » Des personnages hauts en couleur racontent leurs souvenirs et livrent des témoignages sur leur lien au Moulin : apprenti, mécanicien, ouvrière ou soldat revenant de guerre.
« C’est la première fois que notre musée s’engage dans une telle technologie, explique Julie-Ann Logan. Depuis, on voit ses portes s’ouvrir vers un public plus large. La prochaine étape est de nous rendre vers les écoles et les résidences pour personnes âgées afin d’apporter cette innovation hors du musée, ce qui devrait se faire en septembre 2025. » Une innovation high tech qui fait renaitre le passé : quoi de plus inspirant ?
Pour passer le pas :
- Répondre à un besoin : pour s’ancrer dans le réel et assurer sa pérennité, une innovation doit s’imposer comme une solution qui apporte une réelle valeur ajoutée au tourisme.
- Penser réseautage : sur le principe du B2B, le partenariat d’affaires est le terreau fertile de l’innovation.
- Oser l’inconnu : sortir de la boite, réfléchir autrement et prendre des risques sont gages d’innovation et de créativité.
- Innover en misant sur l’humain : la technologie doit se tenir au service des humains et des communautés. Pas l’inverse.
- Privilégier l’intelligence collective : des entrepreneurs innovants provenant d’autres secteurs que celui du tourisme pourraient faire naître des idées nouvelles pour le tourisme.
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