Quand le Québec s'est déniaisé

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Bien des Québécois sortiront leur vieux passeport d’Expo 67 de leur boîte à souvenirs en cette année d’anniversaires — le 375e de Montréal, les 150 ans de la Confédération. Mais ce geste nostalgique exprime davantage que la simple fascination devant ce « beau chiffre rond » des 50 ans de l’Exposition universelle de 1967 à Montréal.

Ces « passeports pour la Terre des Hommes », avec leurs pages émaillées de visas multicolores — que des hôtesses estampillaient à l’entrée des pavillons des différents pays —, rappellent les 185 jours magiques de 1967 où une petite métropole est devenue capitale du monde. Expo 67 aura été le plus important événement international de son temps, qui aura fait la une des grands médias américains, européens et même asiatiques. Du 28 avril au 29 octobre, elle a enregistré 50 millions d’entrées, la moitié américaines, un demi-million de françaises. Près de 80 chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants sont également venus.

Pour les Québécois, Expo 67 aura été tout ça, et beaucoup plus. Il est rare qu’à l’échelle d’un peuple on assiste à un passage initiatique collectif, qui transforme l’idée qu’il a de lui-même. C’était cela, Expo 67 : l’instant d’une mutation, le moment du « grand "déniaisage" collectif », selon la jolie expression d’Yves Jasmin, auteur du livre La petite histoire d’Expo 67 (Québec Amérique, 1997), qui était chef de l’information, de la publicité et des relations publiques de la société chargée par Ottawa d’organiser la manifestation — la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967 (CCEU).

C’est Expo 67 qui a introduit au Québec la culture si particulière des festivals et des grands concerts sur le mont Royal ou les plaines d’Abraham, mais aussi la mode des cafés-terrasses, l’intérêt pour la gastronomie, le design, l’aménagement paysager ou l’horticulture. Au Québec, quand on fait l’histoire de l’entrepreneuriat, du vélo, du multimédia, du design, du féminisme, du soccer, de la mode, de la muséologie, de la francophonie, de l’architecture ou de l’urbanisme, tout passe par Expo 67.

Sous l’effet de toutes ces nouveautés, une vaste métamorphose, beaucoup plus profonde, s’est produite. C’est l’identité collective des Québécois qui a changé brusquement, comme une mue soudaine après un hiver interminable et une trop grande noirceur. « Sept ans après le début de la Révolution tranquille, le récit dominant était encore celui de la survivance canadienne-française. Mais à l’Expo, un autre récit prend le dessus : celui d’un peuple moderne, capable de réaliser des choses », dit Pauline Curien, coordonnatrice du développement, de la recherche et des communications à l’Institut québécois des hautes études internationales de l’Université Laval, et auteure de la thèse doctorale L’identité nationale exposée. Parmi les personnes qui ont témoigné pour sa recherche, l’ancien ministre du Travail Jean Cournoyer, qui fut directeur des relations de travail à l’Expo, a résumé cette transformation par une formule-choc : l’Expo a permis aux Québécois « de savoir qu’ils étaient "quelqu’un" ».

On prend la pleine mesure de cette mutation dans le documentaire La visite du général de Gaulle au Québec, filmé lors de sa visite officielle en juillet 1967, au cours de laquelle le président français lance son célèbre « Vive le Québec libre ! ». Avant cette proclamation sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, la veille de sa visite de l’Expo, on entendra de Gaulle exalter dans de nombreux discours improvisés la modernité « canadienne-française » ou « québécoise » — il hésite entre les deux. Ce sera en effet après Expo 67 que le mot « québécois » se substituera à « canadien-français » dans le discours public. Même le Parti québécois, fondé en 1968, se serait sans doute appelé autrement s’il avait été créé avant l’Expo.

« Expo, c’était plus que des pavillons. Elle a généré un climat de confiance. On a montré qu’on était capables. Ça a changé notre Québec. C’était une véritable explosion », dit Philippe de Gaspé Beaubien, qui était directeur de l’exploitation de la CCEU — ce même Philippe de Gaspé Beaubien qui, un an après l’Expo, fondera Télémédia, devenu plus tard un empire médiatique.

Si Expo 67 fut si marquante, c’est parce que ses organisateurs lui ont imprimé une véritable direction artistique, au lieu de simplement l’organiser. Avec son thème, Terre des Hommes, emprunté au recueil de récits autobiographiques d’Antoine de Saint-Exupéry (aviateur et auteur du Petit Prince), Expo 67 se voulait non commerciale, humaniste, culturelle, éducative.

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Source: L'actualité

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NOMINATIONS SEMAINE DU 19 AOÛT 2024

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